HLP - Vertige de Pascal devant l’univers infini Séance d’environ 2/3h sur les représentations du monde

, par Valérie Marchand

Séance conçue par le Groupe d’Expérimentation Pédagogique, composé d’enseignants de l’Académie de Versailles, qui proposent des exemples de séquences utilisables en classe avec des outils numériques.

Présentation de la séance

  • Programme de HLP première, deuxième semestre : S2. Les représentations du monde
    • Période de référence : Renaissance, âge classique, Lumières
    • découverte du monde et pluralité des cultures
    • décrire figurer imaginer
  • Objectifs
    • Découvrir la Renaissance du point de vue du renouvellement des connaissances
    • Maîtriser le vocabulaire
    • Lire et comprendre un texte de Pascal à partir de courtes vidéos qui permettent de représenter visuellement le vertige exprimé dans la réflexion sur les deux infinis.
    • Rédiger une réflexion personnelle à partir d’une citation du même auteur en mobilisant les éléments travaillés au long de la séance.
  • Compétences travaillées
    • Lire et restituer le sens d’un texte
    • Réutiliser des éléments de connaissance dans une réflexion personnelle à l’écrit
  • Références mobilisées
  • Durée indicative : environ 3 heures
  • Modalités : présentiel, hybride ou à distance

Travail préparatoire

Consigne : Lire le résumé de cours suivant, en vérifiant que vous maîtrisez le vocabulaire (les mots en gras ou en italique doivent être connus : révisés ou appris).


La Renaissance est un période de ruptures : c’est un renouvellement culturel qui s’opère, non seulement grâce aux grandes découvertes, à la confrontation avec l’altérité, mais aussi parce que les savants osent de nouvelles méthodes de pensée, utilisent de nouveaux instruments, et commencent à remettre en question le modèle du monde tel qu’il est établi et enseigné depuis l’Antiquité (Aristote et Ptolémée).
Copernic, puis Galilée, défendent l’hypothèse de l’héliocentrisme contre le géocentrisme communément admis et défendu par l’Église Catholique.
Malgré les résistances qu’oppose l’Inquisition, il ne fait bientôt plus de doute pour le monde des savants européens que Galilée ne se trompe pas. C’est une véritable révolution.

On parle de révolution scientifique quand les savants changent de paradigme. Un paradigme est un modèle explicatif, une théorie, c’est-à-dire une explication des phénomènes, communément admise. A la Renaissance on renonce donc au paradigme géocentrique (théorie communément admise selon laquelle la terre est au centre et le soleil et les autres étoiles tournent autour), pour le remplacer par le paradigme héliocentrique (le soleil est au centre).

Un nouvel esprit scientifique apparait : défendu par de nombreux savants, Galilée, mais aussi Bacon en Angleterre. Selon eux, il faut prêter attention à la nature, observer attentivement et expérimenter. C’est à partir de cas concrets et d’expérimentations que l’on peut progresser dans les sciences, et il ne faut pas se contenter d’un respect pour les Anciens (Aristote, Ptolémée). Un scientifique doit pouvoir questionner ses maîtres et les anciennes théories. Les scientifiques vont alors établir des nouvelles méthodes d’enquête scientifique, et d’établissement de la vérité. Par exemple, Bacon, distingue différents types d’expérience : n’importe quelle expérience n’est pas une expérience scientifique. L’expérience vague, qui est due au hasard, qui n’est pas orientée par une observation minutieuse de la nature et un questionnement préalable, n’est pas une expérience scientifique. La science suppose une démarche réfléchie, des liens logiques entre les expériences, et ces liens sont établis par la raison.

Les voyages sur terre (les Grandes découvertes) et la découverte de nouveaux espaces ainsi que de nouvelles cultures, mais aussi ce nouvel esprit scientifique et la révolution galiléenne, conduisent les êtres humains à s’interroger sur leur place dans l’univers.

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Mise en activité

Regarder les vidéos suivantes :

1. Puissances de 10 : (8 min 26)

2. L’infime et l’infini : (3 min 36)

3. De l’infiniment grand à l’infiniment petit…et vice-versa : (3 min 09)

Lire attentivement ce texte et répondre aux questions qui suivent

Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent. Qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit et qu’il s’étonne de ce que ce vaste tour lui‑même n’est qu’une pointe très délicate à l’égard de celui que ces astres, qui roulent dans le firmament, embrassent. Mais si notre vue s’arrête là que l’imagination passe outre, elle se lassera plutôt de concevoir que la nature de fournir. Tout ce monde visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. Nulle idée n’en approche, nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n’enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses. C’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin c’est le plus grand caractère sensible de la toute‑puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée.

Que l’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qui est, qu’il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature. Et que, de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi‑même, son juste prix.

Qu’est‑ce qu’un homme, dans l’infini ?

Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu’il recherche dans ce qu’il connaît les choses les plus délicates, qu’un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ses humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours. Il pensera peut‑être que c’est là l’extrême petitesse de la nature.

Je veux lui faire voir là‑dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement l’univers visible, mais l’immensité qu’on peut concevoir de la nature dans l’enceinte de ce raccourci d’atome ; qu’il y voie une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible, dans cette terre des animaux, et enfin des cirons dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné, et trouvant encore dans les autres la même chose sans fin et sans repos, qu’il se perde dans ces merveilles aussi étonnantes dans leur petitesse, que les autres par leur étendue, car qui n’admirera que notre corps, qui tantôt n’était pas perceptible dans l’univers imperceptible lui‑même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde ou plutôt un tout à l’égard du néant où l’on ne peut arriver ?

Qui se considérera de la sorte s’effraiera de soi-même et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée entre ces deux abîmes de l’infini et du néant, il tremblera dans la vue de ses merveilles, et je crois que sa curiosité se changeant en admiration il sera plus disposé à les contempler en silence qu’à les rechercher avec présomption.

Car enfin qu’est‑ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout, infiniment éloigné de comprendre les extrêmes. La fin des choses et leurs principes sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré et l’infini où il est englouti.
Pascal, Pensées - Disproportion de l’homme
http://www.penseesdepascal.fr/Transition/Transition4-moderne.php

(1) Le ciron est un très petit parasite du fromage (acarien).

  • Télécharger le texte de Pascal  :
  • Vous pouvez aussi écouter la lecture orale du texte de Pascal.

Questions :

1. Lisez le texte, relevez le vocabulaire qui vous pose des difficultés, essayez de déduire dans le contexte un sens approximatif des mots relevés, puis vérifiez dans un dictionnaire les définitions.

2. Dans ce texte, Pascal distingue deux infinis : lesquels ? à quelles parties du texte correspondent-ils respectivement ?

3. Faites un tableau en deux colonnes : Une colonne pour chaque infini et relevez les éléments du texte qui lui correspondent.

4. Quand on ne peut plus voir (parce que l’objet vers lequel on se tourne est ou trop éloigné ou trop petit) à quelle faculté doit-on faire appel selon Pascal ?

5. Quels sont les différents effets psychologiques de cette réflexion sur les deux infinis selon Pascal ? Quel est finalement le sentiment dominant selon Pascal ?

6. Qu’apprend-on alors sur la condition humaine d’après cette réflexion ?

Prolongement : Écriture argumentative

Pascal écrit : « le silence éternel des espaces infinis m’effraie ».

Quelles réflexions sur la condition humaine vous inspire cette citation après avoir visionné les trois vidéos et lu l’extrait des Pensées  ?

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